« Il avait ri de moi quand je lui avais dit que je voulais moi aussi m’inscrire dans son club de vélo sociosportif, ouvert même aux novices. “C’est ridicule, tu n’arriveras jamais à suivre. T’es tellement poche. T’as pas de talent.” Ces mots m’avaient marquée, comme tant d’autres de ses trop nombreuses paroles de dénigrement, d’indifférence et de critique au cours de notre vie à deux. Des années durant, j’ai été écrasée par son désamour. J’ai pensé en mourir. Un jour, après au moins six essais à le quitter sur plusieurs années, j’ai décidé de me relever une fois pour toutes, de me cracher dans les mains, d’enfourcher ma monture, et de « le quitter pour de bon » afin de me rendre au Bout du monde, à 1200 kilomètres de chez moi. Lui, je l’avais en réalité déjà quitté depuis longtemps. Il me fallait à présent quitter le trauma que cette relation avait inéluctablement gravé en moi. Je devais à tout prix renverser ce trauma. Je devais créer un trauma « positif » si je voulais vraiment guérir. Et j’allais combattre par là où il m’avait trop souvent attaquée : mon absence de talent. C’est le vélo – et les alliés sur ma route – qui m’ont sauvé la vie. On ne se doute jamais qu’on est bien plus fort qu’on pense. Comme pour de nombreuses personnes, c’est le doute qui m’a le plus souvent clouée sur place. L’immense doute sur mes capacités, ma valeur. Quand j’ai réalisé, preuve à l’appui, que je n’avais pas du tout raison de me remettre autant en cause, c’est ce jour-là que je me suis mise à guérir pour vrai, à avancer et que le monde s’est ouvert à moi, avec toutes ses possibilités. Car tout ne dépendait au fond que de la réponse à cette seule et unique question : qui voulais-je vraiment être ? Et qui surtout, ne voulais-je pas être ? »